Le choix du cadre juridique et fiscal est une étape cruciale lorsqu’il s’agit de gérer un patrimoine immobilier en location meublée. Que l’on soit en pleine structuration d’un projet ou déjà propriétaire, deux formes juridiques se démarquent : la SARL de famille et la Société Civile Immobilière (SCI).
Ces statuts offrent des avantages distincts, mais également des contraintes spécifiques qu’il est essentiel de bien comprendre avant de se lancer.
Pourquoi privilégier la location meublée ? Quels sont les avantages et les inconvénients de la SARL de famille par rapport à la SCI ? Le choix entre l’imposition sur le revenu (IR) ou l’imposition sur les sociétés (IS) peut-il influencer ce choix ?
Ce sont autant de questions que nous aborderons dans cet article. Nous vous présenterons également des exemples concrets illustrant les conséquences de chaque option fiscale pour vous aider à faire un choix éclairé en fonction de votre situation personnelle et de vos objectifs.
Enfin, un tableau comparatif entre la SARL de famille et la SCI vous permettra d’avoir une vision claire et synthétique des différences entre ces deux statuts, afin de déterminer celui qui est le plus adapté pour gérer votre projet de location meublée.
Pourquoi choisir la location meublée ?
La location meublée se différencie de la location vide par la présence d’un minimum d’éléments, dont la literie, les étagères, les articles de cuisine ou de ménage. Elle permet de fixer des loyers plus élevés et de profiter d’une fiscalité plus avantageuse que la seconde option. Sur la base de la rentabilité locative brute, l’on peut avoir une idée globale des bénéfices que peut générer cette activité.
Si l’on prend l’exemple d’un bien acheté à 100 000 € et loué meublé à 500 € le mois, le loyer annuel sera de 60 000 €. Le calcul de la rentabilité locative brute est égal au rapport entre le revenu annuel et le prix d’achat. Le résultat de cette division est multiplié par 100. On se retrouve alors avec une rentabilité brute de 6 %, ce qui aurait pu être d’environ 5 % pour une location vide.
Mais pour connaître la rentabilité locative nette de votre projet immobilier, vous devez tenir compte du régime fiscal retenu. Il dépend de nombreux facteurs comme vos revenus, votre statut, etc. Si vous souhaitez avoir une affaire florissante et éviter des pertes d’argent inutiles, assurez-vous que la SARL de famille ou la SCI convient vraiment à votre activité de location meublée.
Quelles sont les spécificités de la SARL de famille ?
La SARL de famille est une SARL classique exclusivement formée par des personnes liées par un lien de sang ou d’alliance. Les associés doivent être des parents en ligne directe, des frères ou sœurs, des conjoints ou des partenaires pacsés. Cette composition évite des sanctions et présente certains atouts financiers.
Quels sont les avantages de cette forme juridique ?
La SARL de famille permet aux actionnaires d’être soumis à l’impôt sur le revenu (IR) indéfiniment. Cela n’est pas le cas de la SARL classique et de la SCI qui peuvent induire une imposition sur le revenu et sur la société (IS). Cette forme de société est éligible au statut de LMNP (Loueur en Meublé Non Professionnel) qui offre une progressivité de l’IR en fonction de l’amortissement et facilite la déduction des charges de gestion.
Elle protège les associés qui ne sont responsables des déficits qu’à hauteur de leurs apports. Elle autorise l’exercice d’activités commerciales, artisanales ou industrielles, mais elle exclut celles qui sont libérales et civiles.
Bon à savoir : le régime de Loueur Meublé Non Professionnel (LMNP) est un statut qui s’applique aux personnes qui louent leurs logements meublés sans que cette activité soit leur principale source de revenus.
Quelles sont les limites d’une SARL de famille ?
Ce statut exige que les revenus locatifs annuels n’excèdent pas 23 000 € pour chacun des membres du foyer fiscal et qu’ils ne soient pas estimés à plus de 50 % de leurs revenus totaux. Une exonération partielle des droits de mutation peut par ailleurs s’appliquer lors de la transmission des parts sociales d’une SARL familiale, et ce, sur la base du pacte Dutreil.
Ses inconvénients s’étendent aussi à la nature des associés qui ne peuvent être que d’une même famille. Cette restriction rend impossible l’arrivée d’investisseurs extérieurs. La gestion d’une telle structure requiert également une tenue rigoureuse des livres comptables.
Bon à savoir : le pacte Dutreil est un dispositif qui réduit sous certaines conditions les droits de mutation lors de la transmission d’une entreprise familiale à la suite d’une donation ou d’une succession. Il a été instauré par la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 (dite « loi Dutreil ») et propose une exonération partielle de 75 % de la valeur des parts, actions ou biens transmis.
Quelles sont les particularités d’une SCI ?
La SCI (société civile immobilière) offre la possibilité aux associés de divers bords d’acquérir et de gérer ensemble un patrimoine immobilier. Elle existe sous au moins 4 formes et dans le cas de la location meublée, il peut s’agir d’une SCI classique ou de gestion.
Pour cette activité, la société peut porter le statut de SCI Familiale. Cela permet aux actionnaires de bénéficier de certains privilèges même si les membres ne sont pas d’ascendance ou de descendance directe.
Dans ce cas, les liens de parenté peuvent être d’alliance ou aller jusqu’au 4e degré. Les associés d’une SCI ont droit à une réduction des frais de succession. Ils sont calculés sur la valeur des parts de la SCI plutôt que sur celle des biens immobiliers. Les partenaires peuvent profiter des avantages ci-après :
- exonération des droits de succession en faisant don du patrimoine, à hauteur de 100 000 € tous les 15 ans,
- liberté de choix au niveau des associés,
- exception leur permettant d’exercer une activité commerciale qui est celle de la location meublée.
Mais en dehors de la location meublée, seules les activités civiles sont autorisées en tant qu’activité principale dans une SCI. Cette forme juridique offre également la possibilité aux actionnaires de choisir entre l’IR et l’IS, mais cette liberté est inexistante si l’activité exercée à titre principal est de type commercial.
C’est le cas par exemple de la location meublée qui expose les associés à une double imposition IR (impôt sur le revenu) et IS (impôt sur les sociétés). Une activité commerciale en SCI peut toujours être assujettie à l’IR si les recettes représentent au plus 10 % du montant total hors taxe généré par l’entreprise.
La SCI n’offre pas de protection aux associés en cas de perte, car leurs patrimoines personnels peuvent être engagés pour honorer les dettes de la société.
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Quelles sont les spécificités de l’IR et de l’IS ?
Si vous choisissez bien votre forme d’imposition, vous pouvez jouir des avantages fiscaux proposés et gérer votre société sans aucune difficulté. Cela vous permettra d’atteindre plus facilement vos objectifs et de minimiser les conséquences d’un changement de régime sur votre situation financière.
Quels sont les atouts et inconvénients d’une imposition sur le revenu ?
Dans une société soumise à l’IR, les bénéfices sont directement distribués entre les associés. Les recettes locatives sont taxables selon le barème progressif de l’IR qui varie de 0 % à 45 % (plus les prélèvements sociaux). Chaque actionnaire de cette forme de structure a l’obligation de mentionner la somme de ses profits au moment de sa déclaration d’impôt personnelle.
Si vous optez pour une IR, vous ne ferez donc pas face à une double imposition. Les pertes de votre société peuvent être déduites du revenu de chaque actionnaire. Cette option ne convient pas aux investisseurs qui ont déjà des entrées financières importantes, puisque leurs recettes peuvent être taxées. Chaque actionnaire doit payer les impôts même si les gains ne sont pas redistribués.
Quels sont les atouts et limites du régime d’imposition sur les sociétés ?
Contrairement à l’IR, les profits locatifs d’une SARL assujettie à l’IS sont taxables. Le taux d’imposition est de 15 % jusqu’à 42 500 € des bénéfices puis 25 % au-delà de ce seuil. Les dividendes reçus par les actionnaires sont aussi imposés (flat tax de 30 % ou barème progressif de l’IR en plus des prélèvements sociaux).
L’IS est parfait pour les SARL de famille qui souhaitent avoir une meilleure gestion de leur trésorerie. Cela représente parfois un avantage pour les actionnaires qui ont déjà des profits élevés. Le taux d’IS reste en général inférieur au taux marginal d’IR des associés qui ont des entrées financières importantes.
Cette option vous expose par contre à une double imposition (société et actionnaires) et les pertes enregistrées par l’entreprise ne peuvent pas être déduites du revenu de chaque associé.
Tableau comparatif entre une SARL de famille et une SCI
Particularités | SCI | SARL de famille |
Capital social minimum | 1 euro | 1 euro |
Nombres d’associés | 2 personnes au minimum Pas de maximum | 2 personnes au minimum 100 associés au maximum |
Types d’associés | Parents ou alliés jusqu’au 4e degré pour la SCI familiale Toute personne pour la SCI classique | Ligne directe Frères et sœurs Conjoints ou pacs |
Régime d’imposition | IR IS si l’activité commerciale dépasse 10 % | IS Possibilité de choisir l’IR |
Responsabilité des associés | Selon les apports Indéfinie (sur le patrimoine personnel) | Limitée aux apports Pas de patrimoine personnel |
Atouts | Gestion simplifiée (pas d’obligation de tenir une comptabilité) Parfaite pour louer et gérer un logement meublé sur le long terme Imposition automatique à l’IR Transmission simple du patrimoine | Aucune restriction liée aux activités exercées dans la société (possibilité de faire une activité commerciale) Protection du patrimoine des associés Possibilité de bénéficier du régime de LMNP Possibilité d’opter pour l’IR indéfiniment |
Limites des deux statuts | Risque de double imposition en cas de passage à l’IS Pas a priori d’activité commerciale Responsabilité indéfinie des associés | Aucune possibilité d’exercer une activité libérale ou civile Gestion de comptabilité qui peut être contraignante Obligation pour les associés d’être parents en ligne directe Ne conviens pas aux familles nombreuses |
Exemple concret lié au choix du régime d’imposition d’une SARL de famille
Un frère et une sœur (Clement et Pascaline) décident de créer une SARL de famille afin d’acquérir, de rénover et d’aménager une maison qu’ils loueront. Pour réussir ce projet, ils prévoient comme :
- Coût total de l’investissement : 300 000 €
- Apport personnel de Clement : 180 000 € (60 % des parts)
- Apport initial de Pascaline : 120 000 € (40 % des parts)
- Emprunt réalisé à 80 % sur 20 ans avec un taux d’intérêt fixe de 3 %
- Chiffre annuel estimé à 40 000 €
- Charges d’exploitation de 10 000 €.
Sous la base de ces chiffres, calculons les charges financières de chaque actionnaire.
Clement:
- Crédit : 144 000 € sur 20 ans à 3 %
- Mensualité : 798,49 €
- Charges financières annuelles : 9 581,88 €
Pascaline
- Crédit : 96 000 € sur 20 ans à 3 %
- Mensualité : 532,33 €
- Charges financières annuelles : 6 387,96 €
Total des charges financières (6 387,96 + 9 581,88) = 15 969,84 €
Résultat avant l’imposition : 40 000 € (CA) – 10 000 € (charges d’exploitation) – 15 969,84 € (charges financières) = 14 030,16 €
Scénario 1 : Choix de l’impôt sur le revenu (IR)
Dans ce cas de figure, les bénéfices sont directement attribués aux associés en fonction de leur quote-part.
Clement aura donc droit à (14 030,16*60)/100 = 8 418,10 €
Pascaline aura droit à (14 030,16*40)/100 = 5 612,06 €
Supposons à présent que Clement a déjà un revenu imposable de 50 000 € et Pascaline de 30 000 €.
Clement:
- Revenu imposable total : 58 418,10 €
- Impôt sur le revenu (barème de 2024) : environ 9 721 €
- Part liée à la SARL : environ 2 739 €
Pascaline :
- Revenu imposable total : 35 612,06 €
- Impôt sur le revenu (barème de 2024) : environ 3 423 €
- Part liée à la SARL : environ 1 346 €
Scénario 2 : choix de l’imposition sur les sociétés (IS)
- Bénéfice de la société : 14 030,16 €
- IS (15 % jusqu’à 42 500 €): €2,104.52
- Bénéfice après IS : 11 925,64 €
Admettons maintenant que 50 % du bénéfice généré est distribué en dividendes.
- Dividendes totaux : (11 925,64/2) = 5 962,82 €
- Clement (60%): €3,577.69
- Pascaline (40 %) : 2 385,13 €
Imposition des dividendes (flat tax 30%) :
- Clement: €1,073.31
- Pascaline : 715,54 €
Comparaison des deux options
Avec l’imposition sur le revenu (IR)
- Clement paie 2 739 € d’impôts liés à la SARL
- Pascaline paie 1 346 € d’impôts liés à la SARL
Total d’impôts : 4 085 €
Avec l’IS :
- La société paie 2 104,52 € d’IS
- Clement paie 1 073,31 € sur les dividendes
- Pascaline paie 715,54 € sur les dividendes
Total : 3 893,37 €
Dans cet exemple, le choix de l’IS semble être plus avantageux que celui de l’IR. Il en sera de même dans une SCI, car les revenus dépassent 10 % des recettes brutes HT. En effet, les bénéfices font 14 030,16 €/40 000 € = 35,08 %.
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Quel est le statut idéal pour gérer une location meublée ?
Si vous voulez choisir la forme juridique de votre société pour votre activité de location meublée, vous devez donc prendre en compte le type d’associés et votre situation. La vision à long terme et les avantages fiscaux interviennent aussi dans ce processus.
Avec la SARL de famille, les actionnaires peuvent par exemple être assujettis à l’IR sans limitation de temps et ils peuvent profiter du statut LMNP en régime réel. La SCI n’offre cependant cette possibilité que si les revenus locatifs sont inférieurs ou égaux à 10 % des bénéfices générés par l’entreprise.
Dans le cas contraire, une imposition IS s’applique pour la société et les associés devront s’acquitter de l’IR. La SCI devient néanmoins intéressante pour une succession et elle est plus favorable pour une structure qui n’est pas créée dans un cadre familial restreint.
Conclusion
Si vous êtes une famille peu nombreuse et souhaitez bénéficier des avantages du régime de LMNP, adoptez la SARL de famille. Vous aurez ainsi la possibilité de protéger votre patrimoine personnel et de choisir votre forme d’imposition.
La SCI reste la meilleure option si vous voulez louer des logements meublés sur le long terme. Elle facilite la transmission des avoirs et permet d’avoir une comptabilité flexible.