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J’ai une entreprise et je divorce : comment me protéger ?

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Écrit par Sébastien BLERIOT

Comme le mariage, la création et le développement d’une entreprise représentent souvent l’œuvre d’une vie, le fruit de nombreuses années d’efforts et de sacrifices.

Quand intervient un divorce, la question de l’avenir de la société préoccupe le conjoint dirigeant, mais aussi les personnes qui ont investi dans la croissance de la compagnie.

Entre protection du patrimoine professionnel et partage équitable des biens, les enjeux d’une rupture restent considérables. Pour vous aider à mieux comprendre les implications d’un divorce sur une firme, nous vous invitons à découvrir dans ce dossier :

  • les impacts d’une séparation sur une société selon le régime matrimonial des époux,
  • les conséquences d’un divorce sur une entreprise en fonction de son statut juridique,
  • les stratégies et astuces qui permettent de sécuriser ses actifs dans cette situation.  

Vous verrez également un cas pratique pour vous faire une idée des effets négatifs de cette opération sur la vie d’une firme.

Comment le divorce affecte-t-il votre entreprise selon son statut juridique ?

Les conséquences d’une rupture sur une société diffèrent selon qu’elle soit une SARL (Société à Responsabilité Limitée), une EURL (Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée)…

Pour éviter des mésententes comme dans le cas d’un achat en indivision avec ses parents, vous devez maîtriser ces divergences.

Quelles sont les conséquences d’un divorce sur une entreprise individuelle ?

Dans une EI (Entreprise Individuelle), SASU (Société par Actions Simplifiée Unipersonnelle) ou EIRL (Entreprise Individuelle à Responsabilité Limitée), le conjoint qui dirige l’établissement est le seul responsable des dettes.

Il n’existe pas de distinction entre son patrimoine personnel et professionnel. En cas de séparation, les créanciers peuvent saisir les biens du dirigeant pour régler les emprunts obtenus au nom de sa société.

L’époux non exploitant peut participer au règlement de ces dettes. Cette situation a souvent lieu quand le partenaire à la tête de la firme ne possède pas assez de ressources financières pour le faire.

Si la structure a vu le jour pendant le mariage, elle reste un bien commun du couple et les actifs se partageront entre les deux mariés. La nécessité de dégager des fonds pour régler une prestation compensatoire peut affecter la trésorerie de la compagnie et mettre en péril sa viabilité.

Bon à savoir !

La prestation compensatoire est une somme versée par l’un des ex-époux à l’autre pour compenser la disparité de niveau de vie résultant du divorce. C’est le conjoint qui a des ressources financières les plus élevées qui la verse au second partenaire.

Quels sont les impacts d’une rupture sur une société à capital ?

Dans une Société à Responsabilité Limitée (SARL), SA (Société Anonyme) ou SAS (Société par Actions Simplifiées), les responsabilités des associés sont limitées à leurs apports.

Le patrimoine personnel de chaque époux reste intact lors d’une séparation. S’il s’agit d’un divorce de type contentieux, le conjoint non exploitant peut revendiquer une partie des droits.

Cette situation peut donner naissance à des blocages administratifs, affecter le fonctionnement de la structure et entraîner d’énormes pertes financières en cas de désaccord des ex-époux.

Voilà pourquoi nous recommandons de toujours bien choisir votre statut juridique durant le processus de création de votre firme.

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Quelles conséquences le divorce a-t-il sur l’entreprise selon le régime matrimonial ?

Quand deux personnes s’associent pour créer une société, les impacts du divorce sur cette entreprise dépendent de leur régime matrimonial.

La prise en compte de ces éléments aide à adopter des mesures strictes pour prévenir les pertes d’argent et de temps inutiles.  

Époux mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts

Ce régime reste valable si les deux ex-époux n’ont pas signé un contrat de mariage. Le partage des actifs dans ce cas dépend des situations suivantes :

  • la firme est mise sur pied au cours de la séparation,
  • la compagnie est fondée après la rupture des conjoints,
  • la structure se constitue avant le mariage du dirigeant,
  • la société est née pendant le mariage grâce à des fonds communs,
  • l’entreprise a vu le jour durant l’union de son Manager avec des apports personnels.

Pour protéger vos intérêts, sollicitez l’expertise d’un avocat ou d’un professionnel spécialisé.  

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L’entreprise voit le jour avant le mariage du conjoint exploitant

La société reste le bien propre du dirigeant et elle est exclue du partage des actifs. L’ex-conjoint n’a aucun droit sur la structure, mais il peut demander une prestation compensatoire.

D’un commun accord, les ex-partenaires peuvent définir le montant de cette prime. Dans le cas contraire, le juge aux affaires familiales s’en charge.

Ce représentant de la loi tient compte de divers critères, tels que la durée du mariage, l’état de santé des époux, pour fixer cette somme.

La société se fonde pendant l’union du dirigeant avec des fonds communs

Quel que soit son statut juridique (SAS, SARL…), la firme reste un bien commun et l’ex-conjoint a droit à la moitié de sa valeur. Le partenaire exploitant lui verse une somme ou lui remet des actifs équivalents.

Cela doit se faire devant un représentant de la loi pour éviter toute contestation et s’assurer que l’opération respecte les normes en vigueur.

La firme se crée pendant le mariage grâce à des apports personnels

Qu’il s’agisse d’un apport en numéraire ou en nature, le dirigeant doit effectuer une déclaration d’emploi ou de réemploi. Elle prouve qu’il a utilisé ses propres ressources pour mettre sur pied son entreprise.

Rédigé par un notaire, l’acte exclut le partage des biens de la communauté. Le partenaire exploitant n’a pas besoin du consentement de son conjoint pour le faire sauf si la déclaration intervient après la création ou la reprise de la structure.

La firme se constitue pendant le divorce

Les partenaires peuvent demander le report des effets de la séparation pour que l’entreprise reste le bien du dirigeant.

La convention de divorce déposée chez le notaire ou prononcée par le juge aux affaires familiales doit préciser cela directement.

S’ils ne font pas cette requête, l’ex-conjoint peut de façon légitime réclamer la moitié de la valeur de la société. Chaque ex-époux peut créer en toute liberté sa compagnie après une rupture.  

Personnes mariées sous le régime de la séparation des biens

Si le conjoint exploitant a mis sur pied la société avec ses ressources financières personnelles, son partenaire n’a aucun droit sur cette dernière.

S’il a travaillé pendant quelques années dans une structure aux côtés de son ex-épouse, celui-ci peut demander une indemnité. Elle est équivalente à la rémunération qu’il aurait dû recevoir.

Mariés sous le régime de la participation aux acquêts

Le notaire procède ici à une évaluation des patrimoines de chaque époux. Le partenaire qui s’est moins enrichi pendant la vie à deux a droit à la moitié des actifs du second conjoint (créance de participation).

En tant qu’entrepreneur, vous devez inclure une clause dans votre contrat de mariage pour assurer la protection de votre entreprise au moment du divorce.

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Résumé des conséquences du divorce sur l’entreprise, le dirigeant ou l’associé

Forme juridiqueResponsabilitéPartage des actifs en cas de divorceImpact sur l’exploitationRégime matrimonialConséquences sur l’entreprise
EI, SARL, EURL, SASU (1 Associé)Responsabilité limitée aux apports. Patrimoine personnel protégé sauf en cas de faute de gestion.Les biens acquis pendant le mariage sont considérés comme biens communs. Les actions ou parties de la société peuvent être partagées.Le divorce peut entraîner des blocages dans la gestion si la revendication conjointe des droits dure trop longtemps. La viabilité financière peut être affectée par le besoin de dégager des fonds pour une prestation compensatoire.Communauté réduite aux acquêtsLes actifs créés pendant le mariage sont partagés (50/50).
Si l’entreprise a été créée avec des fonds communs, l’ex-conjoint a droit à la moitié de sa valeur.
Séparation des biensChaque époux conserve ses biens propres. Le divorce n’affecte pas la propriété des actions ou des parties de la société.
Participation aux acquêtsÉvaluation des patrimoines et le partenaire moins enrichi a droit à une créance de participation sur les actifs de l’autre conjoint.
SARL, SAS, SA (2 associés)Responsabilité limitée aux apports. Patrimoine personnel protégé sauf en cas de faute de gestion.Les parties sociales peuvent être revendiquées par le conjoint non exploitant, entraînant des blocages administratifs.Les tensions entre associés peuvent affecter les décisions stratégiques et opérationnelles.
L’accès au crédit et les projets d’investissement peuvent être compliqués par le divorce.
Communauté réduite aux acquêtsLes actifs créés pendant le mariage sont partagés (50/50). Si l’entreprise a été créée avec des fonds communs, l’ex-conjoint a droit à la moitié de sa valeur.
Séparation des biensChaque époux conserve ses biens propres, mais les parties sociales peuvent être revendiquées par le conjoint non exploitant.

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Quels sont les autres impacts négatifs du divorce sur un dirigeant et sa société ?

Une rupture peut réduire la capacité d’emprunt du conjoint exploitant. Certaines banques évitent souvent d’accorder des crédits aux chefs d’entreprises qui sont dans une procédure de divorce.

Elles craignent qu’ils ne possèdent pas assez de fonds pour rembourser les sommes dues. Ces établissements financiers attendent donc la fin du processus avant de prendre une décision.

Une situation de divorce peut mettre en péril la viabilité d’une structure. Si après la séparation, il ne possède pas assez de fonds pour assurer le développement de sa firme, le dirigeant devra la liquider.

Cela sera à l’origine de la perte d’emploi de nombreuses personnes. Un divorce altère aussi les relations qui existent entre les membres de plusieurs familles.

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Comment protéger sa société d’un divorce ?

De nombreuses stratégies permettent de se protéger des conséquences négatives d’un divorce et de garantir la pérennité de votre entreprise. Pour plus d’efficacité, vous devez les adopter avant votre alliance ou avant la création de votre établissement.

Choisissez bien votre régime matrimonial

Tout entrepreneur averti doit éviter de se marier sous un régime de communauté réduite aux acquêts. Dans ce système, tous les actifs acquis pendant le mariage, y compris la structure, appartiennent au couple. L’ex-conjoint peut donc demander 50 % des actions ou des titres de la compagnie.

La séparation des biens rend possible la distinction claire entre le patrimoine professionnel et personnel. En cas de rupture, il assure votre protection en empêchant que les dettes de la firme n’affectent vos actifs.

Vous pouvez également sceller votre union sous le régime de la participation aux acquêts puisqu’il offre un excellent compromis. Les biens acquis restent séparés pendant le mariage, mais lors de la scission, les gains se partagent entre les conjoints.

Cette option convient aux couples où les deux partenaires contribuent activement au développement de la société et à la constitution d’un patrimoine commun.

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Incluez des clauses dans vos documents

Au moment de la création ou de la reprise de votre entreprise, exigez l’introduction d’une clause de réemploi dans votre acte d’acquisition.

Vous pouvez aussi effectuer une déclaration d’insaisissabilité ou préciser dans votre contrat de mariage que l’établissement restera votre propriété même après un divorce.

Faire attention à ces détails vous aide à spécifier que certains actifs, notamment ceux investis dans l’entreprise, demeurent votre propriété exclusive. Cette pratique constitue un excellent moyen de sécuriser votre patrimoine d’une rupture soudaine.

Utilisez des comptes bancaires distincts

Cette stratégie limite les complications lors de la liquidation des biens et permet de s’assurer que les finances de l’entreprise restent intactes. Le conjoint non exploitant peut recevoir tous les rapports des transactions effectuées par le dirigeant au nom de la société.

Cette transparence réduit les risques de conflits familiaux et protège le patrimoine du couple. Elle favorise aussi un excellent partage des ressources.

Certains entrepreneurs ouvrent même de comptes bancaires joints. Dans ce cas, les deux détenteurs doivent signer pour valider toute opération, ce qui offre une sécurité supplémentaire et une meilleure gestion des finances partagées.

Prenez des précautions contractuelles

Rédigez un pacte d’associés avec votre conjoint pour définir les droits et les obligations de chaque partenaire. Vous devez préciser dans ce document la manière dont le partage des actions ou des parts sociales se fera lors d’une séparation.

N’hésitez pas à inclure une clause d’agrément qui stipule que l’époux qui demande le divorce ne peut obtenir 50 % des titres ou des actifs de la société.

Afin de vous assurer que toutes ces mentions sont légales et que le document écrit a une valeur juridique, rapprochez-vous d’un notaire ou contactez un avocat sérieux, fiable et expérimenté.

Ces professionnels maîtrisent les normes en vigueur et leur accompagnement peut vous permettre d’éviter de nombreux malentendus.

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Cas pratique pour mieux comprendre les conséquences d’un divorce sur une entreprise

Monsieur Dupont, entrepreneur, dirige une SASU créée en 2015, trois ans après son mariage avec Madame Dupont, sous le régime de la communauté réduite aux acquêts.

L’entreprise, spécialisée dans le secteur des technologies, connaît un développement florissant et génère des bénéfices importants. En 2023, le couple entame une procédure de divorce après dix années de vie commune. 

Impact du régime matrimonial

Comme ils sont mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, tous les biens acquis pendant l’union sont considérés comme communs.

Cela inclut l’entreprise créée après leur mariage. Madame Dupont peut par conséquent prétendre à la moitié de la valeur des parts sociales de la SASU. 

Conséquences sur le dirigeant

Monsieur Dupont, en tant que gérant unique, doit racheter les droits de son ex-conjointe. Il doit lui verser une somme correspondant à 50 % de la valorisation actuelle de la société ou lui transférer des parts équivalentes.

Ce rachat peut entraîner un déséquilibre financier significatif pour l’entreprise et augmenter son endettement. 

Effets sur l’entreprise

L’obligation de dégager des fonds pour la prestation compensatoire impacte directement la capacité de l’entreprise à investir et à honorer ses engagements financiers.

Le conflit potentiel entre les ex-époux, notamment si Madame Dupont devient associée, peut entraîner des blocages dans la prise de décisions stratégiques. 

Conclusion

Qu’il s’agisse d’un divorce contentieux ou à l’amiable, cette séparation a des conséquences sur la société et sur le partenaire exploitant.

Elle peut donner naissance à une liquidation des biens acquis ou mettre en péril les activités d’une entreprise créée avec des fonds personnels ou communs.

Pour prévenir ces situations, chaque dirigeant doit prendre des mesures strictes, notamment l’ajout d’une clause d’insaisissabilité.

Il doit aussi solliciter l’accompagnement d’un notaire ou d’un avocat pour éviter de commettre des erreurs comme le choix d’un régime de communauté réduite aux acquêts.

FAQ

Comment estimer la valeur d’une entreprise en cas de divorce ?

La technique la plus utilisée consiste à calculer la différence entre les actifs et les passifs des conjoints. Une autre privilégie la comparaison de la compagnie à d’autres sociétés similaires récemment vendues.

Vous pouvez également connaître la valeur de votre firme en effectuant une estimation des revenus générés. Pour garantir une évaluation précise et impartiale, faites appel à un expert.

Qui paie le droit de partage en cas de divorce ?

Les deux époux paient souvent ensemble, étant solidaires du montant à régler. Ce droit se calcule à partir de la valeur nette des biens partagés.

Selon DNA Groupe Notaire, il vaut 1,10 % de l’actif net partagé depuis le 1er janvier 2022. Il s’applique lors de la répartition des biens, qu’ils soient immobiliers ou mobiliers. Les conjoints peuvent éviter cette taxe en procédant à un partage verbal avant le divorce, sans acte notarié.

Comment se passe une liquidation après un divorce ?

Les ex-époux doivent d’abord rédiger un accord sur la distribution de leurs actifs qui inclut les biens communs et propres. Un acte notarié est nécessaire pour formaliser cette répartition, surtout pour les biens immobiliers.

Si les parties ne s’accordent pas, la procédure se porte devant un juge aux affaires familiales, qui statue sur le partage. Un état liquidatif s’établit pour déterminer la valeur nette des biens à partager, y compris les dettes.